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Licenciement : le calcul du délai entre la convocation et l’entretien est précis

Publié le 20/09/2023

Il n’est pas toujours évident de savoir si l’employeur a respecté le délai minimum de 5 jours ouvrables entre la convocation et l’entretien préalable au licenciement. Cela s'explique notamment par des questionnements sur le point de départ pour calculer ce délai. 

Nouvelle précision de la Cour de cassation en la matière. C’est bien à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée de convocation à l’entretien que débute le délai de 5 jours ouvrables, peu importe que la salariée soit allée tardivement récupérer sa lettre. Cass.soc.06.09.23, n°22.11-661.

Rappel de la procédure en cas d’entretien préalable au licenciement

Pour rappel, la procédure de licenciement est strictement encadrée par le Code du travail.

Lorsque l’employeur souhaite licencier un salarié pour un motif personnel, il doit avant toute chose le convoquer à un entretien préalable au licenciement.

La lettre de convocation doit alors préciser la date, l'heure et le lieu de cet entretien.

Celle-ci rappelle également que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié (1).

En outre, d’après l’article L.1232-2 du Code du travail, la convocation du salarié à l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre (ou la remise de la convocation en main propre).

Attention, dans ce calcul, la date de présentation de lettre ne compte pas, ni le jour de l’entretien, ni le dimanche, ni le jour férié. Et si le dernier jour tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié chômé, il faut reporter la fin du délai au 1er jour  ouvrable suivant (2).

À défaut de respecter ce délai de 5 jours, la procédure de licenciement sera considérée comme irrégulière et une indemnité d’un 1 mois de salaire maximum pourra être versée par l’employeur (3).

La salariée récupère tardivement sa lettre de convocation…

Dans cette affaire, la salariée est convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception à un entretien préalable au licenciement. Celui-ci est fixé le 24 janvier 2018 et la lettre est présentée à son domicile le 12 janvier. Le délai minimum de 5 jours ouvrables est donc a priori respecté. Toutefois, la salariée ne va récupérer cette lettre que le 22 janvier 2018 et n’apprend donc la date de son entretien que 48H à l’avance.

Pour la salariée, le délai prévu par le Code du travail n’est alors pas respecté. Pour elle, le délai est trop court pour lui permettre de trouver une personne de son choix en capacité de l’assister pendant cet entretien. Elle décide donc de saisir la juridiction prud’homale pour faire juger nul son licenciement et déclarer la procédure irrégulière.

Les juges du fond donnent raison à la salariée et jugent que le licenciement est nul, mais surtout ils confirment le non-respect de la procédure. Il en est de même pour la cour d’appel qui retient que  la procédure est irrégulière, puisque selon le Code du travail « l’entretien préalable à un licenciement ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ». Pour la cour d’appel ce délai de 5 jours a commencé à courir le jour où la salariée a retiré son courrier recommandé et non au jour de la première présentation de ce courrier. Ici, le courrier de convocation n’ayant été retiré que le 22 janvier 2018, elle retient donc que le délai des 5 jours n’est pas respecté et condamne l’employeur, au-delà des dommages et intérêts pour licenciement nul, à une indemnité pour irrégularité de la procédure. Sur ce dernier point, l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

Le fait que la salariée récupère très tardivement la lettre recommandée impacte-t-il le point de départ du délai de 5 jours ? Dans de telles circonstances, faut-il retenir la date de présentation ou de réception de la lettre ? 

C’est à cette question que la Cour de cassation va répondre.

Pas d’excuse ! Le délai court à compter de la première présentation de la lettre et non de sa réception

La Cour de cassation ne va pas suivre le raisonnement de la salariée ni celui des juges du fond. A son tour, elle cite l’article L. 1232-2 du Code du travail, mais en fait une lecture stricte. Pour la Haute Cour, le délai de 5 jours a commencé à courir le 13 janvier 2018, soit le 1e jour ouvrable suivant la présentation de la lettre recommandée au domicile de la salariée. Aussi, selon elle, « à la date de l’entretien fixé au 24 janvier suivant, la salariée avait bénéficié d’un délai de 5 jours ouvrables pleins ». Le fait que la salariée ait réceptionné tardivement sa lettre de convocation n’y change rien et peu importe les possibles conséquences, telles que le fait de ne pas pouvoir être représentée lors de l’entretien.

D’ailleurs s’agissant, pour la Cour de cassation, d’une simple application de la règle de droit, elle va ici statuer au fond plutôt que de renvoyer le litige devant une nouvelle cour d’appel. Et, la Haute Cour a pris le soin de déduire l’indemnité pour irrégularité de procédure (1 mois de salaire) allouée en appel à la salariée, de la somme globale devant être versée par l’employeur en raison de la nullité du licenciement.

Solution sans surprise

Cette solution n’est pas surprenante. Déjà en 1980, la Cour de cassation avait eu l’occasion de se prononcer sur ce point, et avait considéré que le fait que le salarié refuse de recevoir la lettre recommandée de convocation ou d'en prendre connaissance ne pouvait avoir pour effet de suspendre ou de paralyser la procédure de licenciement (4).

Les juges du fond ont eux porté plus d’importance aux conséquences de ce retrait tardif. Les 5 jours pleins sont notamment prévus pour garantir à la salariée le temps nécessaire pour préparer sa défense.

La Cour de cassation a apporté d’autres précisions en la matière. Si le délai est respecté et que le report est fait à la demande du salarié, aucune irrégularité de la procédure ne pourra être retenue (5). A contrario si la demande de report est à l’initiative de l’employeur,  le délai de 5 jours minimum devra alors à nouveau être respecté (6).

 

 

 (1) Art. R.1232-1 C.trav.

 (2) Art. R.1231-1 C.trav.

 (3) Cass.soc.09.06.99, n°97-41.349.

(4) Cass.soc.26.03.80, n°78-41.042.

(5) Cass.soc.29.01.14, n°12-19.872.

(6) Cass.soc.17.04.19, n°17-31.228.

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