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Géographie des embauches. Les difficultés de recrutement sont plus ou moins fortes.

Publié le 08/02/2016

Les activités destinées à satisfaire les besoins de la population, résidents ou touristes, devraient être un des principaux moteurs de l’emploi en Provence-Alpes-Côte d’Azur, où plus de 80 % des actifs travaillent aujourd’hui dans les services. 

En Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), l’économie reste fortement marquée par le secteur ter-tiaire, principal secteur employeur. Sur près de 2 millions de personnes en emploi dans la région, plus de huit sur dix travaillent dans les services (contre les deux tiers concentrés dans le secteur tertiaire au niveau national). Au sein de ce secteur, le commerce, les transports et les services marchands représentent près de six emplois sur dix ; l’autre partie, soit le tertiaire non marchand, particuliè-rement féminisé, se com-pose de l’administration publique, de l’enseignement et du secteur de la santé et de l’action sociale. 

Ce dernier secteur est le premier employeur de la région Paca : en 2011, près de 275 000 personnes y travail-laient (tous emplois confondus), soit 14 % de la population active. Son dynamisme n’a pas été affecté par la crise de 2008 : en Paca comme en France, il a connu dix années inin-terrompues de croissance de l’emploi durant la décennie 2000. Entre 2006 et 2011, on dénombre ainsi dans la région plus d’un quart d’emplois supplémen-taires (soit 26 470) dans les activi-tés d’hébergement médico-social et social et l’action sociale sans héber-gement. Les activités dites « pour la santé humaine » continuent quant à elles à gagner des actifs, mais dans une moindre mesure (+ 4 %, soit 4 960 emplois). Plus d’un emploi sur deux créés entre 2006 et 2011 l’a été dans le secteur santé humaine et action sociale.

Une industrie limitée mais stratégique
La région a une structure sectorielle et une dynamique écono-mique propres liées à son histoire, à sa culture et à ses choix straté-giques de développement. L’industrie y est moins représentée (9 % de l’emploi, contre 12 % en France métropolitaine fin 2012), mais elle occupe une place stratégique. Elle est composée d’un tissu dense de très petites entreprises à côté de grands groupes comme Airbus Helicopters, Thales Alenia Space, Gemalto… Ses établissements sont concentrés dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes ; un des prin-cipaux pôles industriels se situant sur le pourtour de l’étang de Berre, à Fos-sur-Mer. Huit emplois indus-triels sur dix sont présents dans les grandes unités urbaines de la région, contre quatre sur dix en France.

Les secteurs emblématiques de l’industrie régionale regroupent la construction aéronautique, la chimie, la pétrochimie et le raf-finage, l’industrie pharmaceutique, la micro-électronique, l’énergie et le nucléaire, ainsi que le traitement et la distribution de l’eau et des déchets. Des secteurs qui ont globale-ment mieux résisté à la crise que l’automobile ou le textile, peu présents voire absents du territoire. La petite taille des entreprises reste néanmoins un frein à l’innovation et à l’exportation. C’est pourquoi, depuis quelques années, les pôles de compétitivité et les pôles régionaux d’innovation et de dé-veloppement économique solidaire (Prides) se sont intégrés dans le paysage régional. Leurs objectifs sont d’établir une meilleure liaison entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, d’accroître la compétitivité par le rapprochement des entreprises avec les laboratoires de recherche, les universités et les organismes de formation.

Marqué par le vieillissement
Les travaux de projections d’emploi per-mettent d’imaginer le devenir de cette région tout en sachant qu’il ne s’agit que de pos-sibles, fondés sur différentes hypothèses, et que ces projections ne sauraient en aucun cas présager des capacités d’innovation ou de réinvention du tissu économique régional. Le comportement des acteurs économiques, les politiques publiques, les chocs imprévus influenceront nécessairement ces évolutions. Ceci étant dit, d’ici 2030, la région devrait continuer à voir augmenter sa population et sa population active, mais à 

un rythme moins soutenu que par le passé. C’est surtout le vieillissement de la population qui est à pointer. En 2030, un actif de Paca sur cinq serait âgé de 55 ans ou plus. La part des 60 ans et plus atteindrait même les 10 %. Ce vieillissement des actifs accentuerait les enjeux de transmission des compétences au sein des entreprises. Sous différentes hypothèses, la région compterait 2,1 millions d’emplois potentiels en 2030, soit 187 000 emplois de plus qu’en 2010. Ce sont les activités « présentielles », destinées à satisfaire les besoins de la popula-tion présente sur le territoire, résidente ou touristique, qui seraient un des principaux 

moteurs de la croissance de l’emploi dans la région. Elles bénéficieraient de l’accrois-sement démographique, de l’attractivité touristique et de l’apparition de nouveaux besoins, notamment dans les domaines du logement et des services à la personne. La hausse de l’emploi concernerait les acti-vités immobilières (+ 12 000 emplois), la construction (+ 15 000), l’hébergement et la restauration (+ 8 000), ainsi que le tertiaire non marchand (+ 45 000). Les services aux entreprises seraient égale-ment très dynamiques. L’emploi cumulé des activités scientifiques et techniques progres-serait ainsi de 26 %, soit 58 000 emplois en plus. Les activités d’information et de com-munication en créeraient 7 000. A contrario, les projections prévoient plutôt un repli dans les industries qui ne par-viendraient pas à se renouveler. En concurrence internationale forte sur les prix et la technologie, l’emploi industriel diminuerait à un rythme plus modéré qu’auparavant.

La fabrication d’équipe-ments électriques, électro-niques, informatiques et de machines se replierait de 5 000 emplois, celle d’autres produits indus-triels (chimie, plasturgie, métallurgie, bois et papier, réparation et installation de machines) de 11 000. Le recul serait moins marqué dans l’énergie, l’eau et les déchets (– 1 000). Sur certains segments de haute technologie, la présence en Paca d’entreprises de rang international (notamment dans l’aéronau-tique/aérospatiale et les biotechnologies) placerait la région dans une perspective plus favorable.

Des métiers « en tension » ?
Une quinzaine de métiers regroupent plus de 40 % des personnes en emploi. Il s’agit notamment des employés administratifs de la fonction publique (catégorie C et assimi-lés), agents d’entretien, enseignants, vendeurs et conducteurs de véhicules, des attachés commerciaux, intermédiaires du commerce, métiers de l’armée, de la police et pompiers, des infirmiers et sages-femmes, des secré-taires, etc. Un exercice a été conduit dans la région pour identifier sur une longue période les métiers en tension. Il en ressort que près de 30 métiers sont régulièrement dans cette situation, on parlera alors de tensions struc-turelles. Ces métiers sont très variés et tous les niveaux de qualification sont concernés. Certains domaines professionnels sont ce-pendant plus touchés que d’autres, comme ceux de l’électricité, de l’électronique, de la mécanique, du travail des métaux, des indus-tries de process, de la maintenance ou encore de l’hôtellerie-restauration et de l’alimentation. Mais pour comprendre les difficultés réelles rencontrées dans ces métiers, on ne peut se contenter du ratio de tension (voir page 22), on doit mobiliser une diversité d’autres indicateurs et mener des analyses complémentaires. Par exemple, il est intéressant de regarder la part des offres d’emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois), car cela permet de relativiser les tensions consta tées sur certains métiers. Ainsi, sur les métiers en tension structurelle en Paca, certains sont associés à des offres d’emploi durable, comme les ingénieurs de l’informatique, mais pas tous : le métier des professionnels de l’action culturelle, sportive et surveillants, en ten-sion en 2012, présente ainsi seulement 20 % d’offres d’emploi durable. Croiser ces données avec les difficultés de recrutement exprimées par les employeurs permet aussi de relativiser cette notion de « métiers en tension ». Si les deux phéno-mènes sont souvent liés, il existe des métiers repérés en tension pour lesquels les employeurs n’expriment pas de difficultés particulières de recrutement. La formation, un levier indispensable Surtout, ces métiers en tension ne sont pas toujours synonymes de pénurie de qualification. Ainsi, pour neuf métiers, les demandeurs d’emploi inscrits au 31 décembre 2012 pos-sèdent un niveau de formation supérieur à celui de leurs homologues en emploi. Au-delà du niveau de diplôme, la spécialité de formation détenue par les professionnels inscrits à Pôle emploi pose également question, en particulier quand leur métier entretient un lien étroit avec cette dernière, comme pour les techniciens et agents de maîtrise de l’élec-tricité et de l’électronique ou les ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement de métal. Le développement de la formation n’est donc pas la réponse miracle aux problèmes d’emploi et de chômage. Le besoin se situe avant tout au niveau des créations d’emplois. Pour autant, la formation constitue un levier indispensable pour sécuriser les par-cours des individus et faciliter les mobilités professionnelles, mais aussi pour accompa-gner les évolutions des métiers, comme dans le champ de l’économie verte. Près de 15 % des professionnels de la région occupent aujourd’hui un métier vert ou verdissant. La mesure exacte du développement de ces emplois est un exercice très difficile au niveau d’une région, mais le constat que la formation constitue un levier indispensable pour cette transition verte est unanime. La possibilité de mobiliser une main-d’œuvre bénéficiant de la qualification ad hoc est en effet un ingrédient de la réussite de la tran- sition verte et un de ses enjeux. 

Céline Gasquet
Observatoire régional des métiers en Provence-Alpes-Côte d’Azur (ORM)

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